Introduction
Dans un contexte économique mondial marqué par des crises récurrentes de plus en plus complexes, la sécurité alimentaire est devenue un enjeu crucial pour de nombreux pays, notamment ceux en transition comme le nôtre. À cet égard, le Professeur Oumar MC KONÉ, ancien Chef de la Mission d’Appui de la Refondation de l’Etat, propose certaines pistes de réflexions innovantes visant à pallier la pénurie croissante et l’augmentation inexorable des prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux au Mali.
Analyse de la Situation
Le Professeur KONÉ souligne que la crise alimentaire actuelle résulte de divers facteurs : terrorisme, tentatives de déstabilisations politiques et économiques, réchauffement climatiques, dégradations des infrastructures de transport, inondations, perturbations des saisons et des chaînes d’approvisionnement. Ces éléments ont conduit à une hausse alarmante des prix, rendant les biens alimentaires de première nécessité inaccessibles pour une grande partie de la population.
Propositions des domaines à explorer
1. de l’Agriculture Locale :
Il est fondamental d’investir dans l’agriculture locale en promouvant des pratiques durables et en fournissant un accompagnement technique aux agriculteurs. Cela pourrait inclure la mise en place de coopératives agricoles financées par l’Etat pour garantir une production suffisante et de qualité.
2. Soutien à la Diversification des Cultures :
Le Professeur KONÉ préconise également la diversification des cultures pour réduire la dépendance envers certaines denrées et renforcer la résilience des producteurs face aux aléas climatiques.
3. Création de Réserves Stratégiques :
La mise en place de réserves (stocks) alimentaires stratégiques pourrait permettre d’atténuer les effets de la spéculation et de réguler les prix sur le marché en période de crise.
4. Sensibilisation et Éducation des Consommateurs :
Une campagne de sensibilisation à l’importance de consommer localement et de diversifier son alimentation pourrait également aider à soutenir les producteurs nationaux et à réduire la demande pour les produits importés.
5. Partenariats Public-Privé :
Encourager des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour le développement d’infrastructures agro-alimentaires modernes est essentiel. Cela peut inclure des investissements dans des technologies de conservation et de transformation des aliments. Exemples : constructions de magasins de conservation d’échalotes dont le rafraichissement est assuré par l’énergie solaire, constructions de petites usines de transformation des produits locaux, usine de lait en poudre, usine de tomate concentrée, etc.
Première conclusion
Ces propositions visent non seulement à répondre à la situation immédiate de pénurie alimentaire, mais aussi à construire un système alimentaire résilient et durable dans le cadre du processus de Refondation de l’Etat sous le leadership du Général d’Armée Assimi GOÏTA. La réflexion stratégique du Professeur KONÉ incarne une réponse proactive aux défis auxquels nous sommes confrontés, en œuvrant pour un avenir où chaque citoyen peut avoir accès à une nourriture suffisante et abordable. La collaboration de tous les acteurs concernés sera indispensable pour réaliser cette vision et établir un cadre solide pour notre indépendance alimentaire.
Proposition sur une méthodologie pour un dispositif stratégique d’exploitations agricoles sécurisées pour répondre aux besoins alimentaires des populations au Mali
I. Méthodologie
Le Mali, comme de nombreux pays en développement, fait face à des défis significatifs en matière de sécurité alimentaire. Le Professeur Oumar MC KONÉ, expert dans le domaine du développement dans les régions arides et semi-arides, propose une méthodologie structurée afin d’élaborer un dispositif stratégique visant à répondre aux besoins alimentaires de la population malienne. Cette approche doit prendre en compte les particularités sécuritaires, socio-économiques et environnementales du pays.
1. Diagnostic de la Situation Actuelle
La première étape consiste à réaliser un diagnostic complet de la situation alimentaire au Mali. Cela inclut :
– Analyse des ressources disponibles : Évaluation des terres cultivables, des ressources en eau et des infrastructures agricoles.
– Étude des pratiques agricoles : Recensement des cultures pratiquées, des techniques utilisées et des rendements observés.
– Évaluation des besoins nutritionnels : Identification des carences alimentaires et des besoins spécifiques des populations vulnérables.
2. Implication des Acteurs Locaux
Pour assurer la pérennité du dispositif, l’implication des acteurs locaux est essentielle. Cela passe par :
– Création de partenariats : Collaboration entre les agriculteurs, les ONG, les autorités locales et les institutions gouvernementales.
– Sensibilisation et formation : Organisation d’ateliers et de sessions de formation pour améliorer les compétences des agriculteurs sur les pratiques durables.
– Participation communautaire : Encouragement des initiatives communautaires pour renforcer la résilience locale.
3. Élaboration d’un Plan Stratégique
Avec les données collectées et les acteurs mobilisés, un plan stratégique doit être élaboré. Il devrait comprendre :
– Objectifs clairs et mesurables : Détermination des objectifs à court, moyen et long terme pour atteindre la sécurité alimentaire.
– Plan d’action : Détail des actions à mener, des ressources nécessaires et des échéances à respecter.
– Indicateurs de suivi : Mise en place d’indicateurs de performance pour évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre.
4. Intégration des Innovations Technologiques
L’innovation joue un rôle clé dans l’amélioration de la production agricole. Ainsi, il est crucial d’intégrer :
– Technologies agricoles : Promotion de l’utilisation de semences résistantes, d’outils modernes et de pratiques agroécologiques ;
– Utilisation des énergies renouvelables ;
– Systèmes d’information : Développement de plateformes de partage d’informations sur les conditions climatiques, les prix des denrées et les meilleures pratiques agricoles.
5. Suivi et Évaluation
Enfin, un système de suivi et d’évaluation doit être instauré pour garantir l’adéquation du dispositif aux besoins évolutifs. Ce système permettra :
– Ajustements continus : Adaptation des stratégies en fonction des résultats obtenus et des contextes changeants.
– Rapport régulier : Rédaction de rapports réguliers pour informer les parties prenantes de l’avancement et des impacts du dispositif.
Deuxième conclusion
La méthodologie proposée par le Professeur Oumar MC KONÉ offre une feuille de route claire pour le développement d’un dispositif stratégique pour assurer les besoins alimentaires au Mali même en temps de crise sécuritaire. En combinant analyse rigoureuse, implication des institutions de l’état, des acteurs locaux, innovation technologique, et suivi continu, il sera possible de renforcer la sécurité alimentaire et de construire un avenir plus durable pour les populations maliennes.
Contexte et justification pour la mise en place d’exploitations agricoles sécurisés
Depuis la rébellion Touareg du MNLA en 2012, le Mali a connu une période de turbulence marquée par des tentatives de déstabilisations et l’émergence d’un terrorisme tant national qu’international. Bien que les Forces Armées Maliennes (FAMa) aient réagi avec détermination et soient sur la voie du recouvrement de l’intégrité territoriale, la crise alimentaire demeure un défi majeur. Ce contexte complexe nécessite une réflexion approfondie sur des stratégies qui peuvent substantiellement améliorer la production alimentaire au Mali.
Les Défis Alimentaires au Mali
Le Mali, malgré ses richesses naturelles et son potentiel agricole, souffre d’une insécurité alimentaire chronique exacerbée par les conflits armés. La destruction des champs et des ressources (greniers de céréales) par les groupes terroristes aggrave la situation. La région de Bandiagara ainsi que d’autres zones agricoles stratégiques subissent des attaques terroristes régulières, ce qui entraîne des pertes de récoltes et une vulnérabilité accrue des populations civiles. Pour inverser cette tendance, il est crucial d’adopter une approche intégrée qui englobe la sécurité, le développement agricole et l’engagement communautaire.
Un Plan Stratégique d’Amélioration de la Production Alimentaire
1. Renforcer la Sécurité des Zones Agricoles
La première étape consiste à établir un cadre sécurisé pour les agriculteurs. Il est nécessaire d’intensifier la collaboration entre les FAMa et les communautés locales, y compris les chasseurs Donso, pour protéger les terres cultivées et les récoltes. Cela pourrait impliquer la mise en place de patrouilles régulières dans les régions à risque, le soutien à des initiatives locales de défense, et la création de réseaux d’alerte précoce pour prévenir les attaques.
2. Accroître l’Accès aux Ressources
L’amélioration de la production alimentaire au Mali doit également passer par l’accès à des ressources telles que l’eau, les semences et les engrais de bonne de qualité, et les outils agricoles. Le gouvernement, en collaboration avec les ONG et les partenaires internationaux, devrait investir dans l’irrigation, la captation des eaux pluviales et la gestion durable des ressources en eau. Des programmes de formation devraient être mis en place pour enseigner aux agriculteurs des méthodes agricoles durables et résilientes aux climats.
3. Soutenir les Filières Agroalimentaires (agrobusiness)
Il est essentiel de développer les filières de commercialisation des produits agricoles. Cela comprend la création de coopératives qui permettront aux agriculteurs de se regrouper, de partager des ressources, et d’accéder aux marchés plus facilement. Le développement des routes trans-urbaines et rurales et de systèmes de transport adéquats facilitera le transit des produits vers les marchés, réduisant ainsi les pertes post-récolte.
4. Promouvoir la Recherche et l’Innovation
Investir dans la recherche agricole est primordial pour développer des variétés de cultures adaptées aux conditions climatiques spécifiques du Mali. Il serait judicieux de collaborer avec des instituts de recherche et des universités internationales pour mener des projets d’innovation en agriculture. L’usage des technologies modernes, telles que les applications mobiles pour le suivi des cultures, les énergies renouvelables, les cultures sous serres et les conseils aux agriculteurs, peut également optimiser la production.
Troisième Conclusion
Pour faire face à l’insécurité alimentaire au Mali et dans l’espace de l’Alliance des États du Sahel, il est impératif d’adopter un dispositif stratégique qui intègre la sécurité, le développement agricole, et l’engagement communautaire. En renforçant la collaboration entre les forces de sécurité et les populations locales, en améliorant l’accès aux ressources, en soutenant les filières agroalimentaires, et en promouvant l’innovation, le Mali pourra non seulement garantir ses besoins alimentaires, mais aussi créer un avenir durable et prospère pour l’ensemble des pays de l’Alliance des Etats du Sahel.
Organisation Spécifique d’un Dispositif d’Amélioration de la Production Agricole au Mali
1. Résumé
La sécurité alimentaire et l’amélioration de la production agricole sont des enjeux cruciaux pour le développement économique du Mali. Afin de répondre à ces défis, un dispositif d’amélioration de la production agricole et de protection des « périmètres agricoles modernes sécurisés » de l’État est proposé par le Professeur KONÉ. Ce projet s’étend sur les dix-neuf régions du Mali ainsi que le District de Bamako, avec l’objectif d’aménager 2000 hectares de terrains agricoles pour produire principalement trois variétés de cultures locales essentielles par site.
2. Aménagement des Terrains Agricoles
Chaque région du Mali se verra attribuer des cultures spécifiques en fonction de ses caractéristiques agronomiques et climatiques. Par exemple :
– Tombouctou : Blé, tomate, pomme de terre ;
– Sikasso : Pomme de terre, mil, maïs ;
– Ségou : Riz, mil, tomate ;
– Kayes : Arachide, fonio, sorgho ;
– Mopti : Riz, élevage de bétail embouche, pisciculture ;
– Gao : pomme de terre, cultures maraichères ;
– Kidal : pomme de terre, cultures maraichères ;
– Taoudéni : pomme de terre, cultures maraichères ;
– Ménaka : riz, blé, élevage ;
– Nioro : mil, sorgho, élevage ;
– Bougouni : patate douce, maïs, échalotes ;
– Dioïla : riz, karité, aviculture ;
– Koutiala : mil, sorgho, maïs ;
– Nara : Blé, élevage ;
– Bandiagara : mil, sorgho, échalotes
– San : riz, fonio, sésame ;
– Douentza : sorgho, niébé (haricot) et arachide ;
– District de Bamako : maraichage, pisciculture.
Il est essentiel que les attributions des cultures soient définies clairement par les Ministères de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, avec l’aide d’experts locaux, d’ingénieurs de l’Institut Polytechnique Rural (IPR) de Katibougou et la population locale.
Innovations dans la Mise en Place de Périmètres d’Exploitation Agricoles Sécurisés
1. Recrutement de Fonctionnaires Agricoles
Chaque site recrutera cent jeunes ruraux qui auront le statut de « Fonctionnaires Agricoles ». Cela favorisera l’employabilité tout en réduisant l’inégalité entre les jeunes des milieux urbains et ruraux.
2. Techniciens Agricoles
Entre 5 et 15 techniciens agricoles seront embauchés par site pour encadrer les productions. Les ministères devront définir les compétences requises, favorisant le savoir-faire traditionnel plutôt que les diplômes.
3. Moyens Logistiques
L’État fournira des infrastructures, des tracteurs, semoirs et autres machines indispensables à la production. Il assurera également l’approvisionnement en intrants agricoles.
4. Stockage et Vente des Produits
Les productions seront stockées dans des installations adéquates et l’État s’occupera de la vente directe aux populations ou à travers des opérateurs économiques, tout en fixant un prix plancher.
5. Équipe de Coordination Nationale
Une équipe nationale coordonnera le fonctionnement des sites, réalisera des recherches pour améliorer les rendements et explorera de nouvelles innovations à l’étranger.
6. Attribution de Prix
À la fin de chaque récolte, trois prix seront décernés aux exploitations les plus performantes pour encourager l’excellence.
7. Sécurisation des Champs
Des détachements militaires seront installés autour de chaque site pour garantir la sécurité du personnel et des récoltes, en collaboration avec les ministères concernés.
Conclusion Générale
La mise en œuvre de ce dispositif d’aménagement des champs agricoles modernes et sécurisés est cruciale non seulement pour garantir la sécurité alimentaire au Mali mais aussi pour lutter contre les menaces terroristes qui compromettent l’agriculture et la stabilité des populations rurales. En prenant exemple sur cette initiative, les pays de l’AES devraient unir leurs efforts pour protéger leurs périmètres agricoles et assurer leur développement durable.
Bamako, le 07 janvier 2025
Professeur Oumar MC KONÉ
Ancien Chef de la Mission d’Appui de la Refondation de l’Etat, MARE
Enseignant de l’enseignement supérieur
Architecte DPLG – Ingénieur
Spécialiste en Développement dans les régions arides et semi-arides