Au cours de ce week-end, le Président du parti Demain C’est Aujourd’hui, l’Honorable Souleymane Dembélé, a accordé une interview au site d’information Bamakomatin.com au siège du parti, situé à Banankabougou. Dans cet entretien, l’ex-député de la 6ᵉ législature livre son analyse sur la situation actuelle du pays.
Bamakomatin.com : Comment est né votre parti ?
Honorable Souleymane Dembélé : Demain C’est Aujourd’hui est un parti politique qui a été créé à la suite des événements du 18 août 2020 (coup d’État). Nous avions constaté la nécessité de créer un parti politique pour soutenir les actions des autorités. Avant cela, j’étais à moitié engagé en politique, car j’avais été élu député lors de la 6ᵉ législature. Avec ce nouveau départ pour le Mali, il fallait créer un parti politique, sinon nous aurions fait du tort à ce pays. Après mûre réflexion, nous avons abouti à la création de ce parti. Demain C’est Aujourd’hui est une invitation à la prise de conscience de la nouvelle génération : pour récolter demain le fruit d’un arbre, il faut le planter aujourd’hui et l’entretenir afin que nos enfants puissent en profiter.
Bamakomatin.com : Comment se porte votre parti aujourd’hui ?
Honorable Souleymane Dembélé : Dieu merci, le parti se porte bien ! Nous menons en permanence des activités. Nous avons déjà beaucoup d’adhérents, de Kayes à Kidal, et même au-delà du Mali. Sans tambour ni trompette, nous faisons notre petit bonhomme de chemin.
Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle du pays ?
Pour le moment, tout se passe bien comme nous le souhaitons. La situation est vraiment bonne. Dans de nombreux domaines, nous voyons des évolutions positives. Toutefois, certaines choses doivent être améliorées, et il est important de maintenir cette dynamique. Tout ce que les autorités font aujourd’hui vise le bien-être de la population.
Depuis un certain temps, la classe politique réclame le retour à l’ordre constitutionnel. Pensez-vous que les élections peuvent se tenir en 2025 ?
Il est très difficile d’envisager des élections en 2025, car la sécurisation du territoire n’est pas encore totale. Pour organiser des élections, il faut d’abord garantir la sécurité. Notre parti ne s’inscrit pas dans la logique d’une élection immédiate. Nous avons pris nos responsabilités et, selon nous, l’heure n’est pas encore aux élections. Certes, la classe politique est dans son droit de réclamer un retour à l’ordre constitutionnel, mais il faut encore patienter. Ce n’est pas sous pression et avec le couteau sous la gorge que nous irons aux élections.
Le 29 janvier 2025, le Mali, à l’instar du Niger et du Burkina Faso, a officialisé son retrait de la CEDEAO. Comment appréciez-vous cette décision ? Quels en sont les avantages et les inconvénients pour le Mali ?
Je dirais plutôt que le Mali est sorti de la CEDEAO depuis le 28 janvier 2024, car selon les textes communautaires, lorsqu’un pays veut se retirer, il doit d’abord notifier sa décision. Cette dénonciation prend effet à partir du moment où l’acte est pris et transmis aux autorités de l’organisation. Le 29 janvier dernier marquait ainsi un an depuis cette dénonciation. 2025 est donc simplement une date officielle pour affirmer que l’Alliance des États du Sahel (AES) ne fait plus partie de la CEDEAO.
Je vois cette décision d’un très bon œil, car il y a de nombreux aspects que la population ne maîtrise pas, faute de communication de la part des anciens dirigeants. Aujourd’hui, la CEDEAO ne peut pas fonctionner sans nous. Certains pays s’agitent, car ils ne veulent pas nous lâcher, et c’est de bonne guerre : ils tirent profit de nous et cherchent à préserver leur source de revenus.
En termes d’échanges, le Mali, le Niger et le Burkina Faso représentent 75 % du commerce de la CEDEAO, car nous n’avons pas de port et devons importer presque tout, ce qui transite par ces pays.
Deuxièmement, la politique de désendettement imposée à l’AES a freiné notre développement. Les investisseurs étrangers ont été encouragés à s’installer en bord de mer, à proximité des ports, où ils produisent et viennent ensuite inonder nos marchés de leurs produits. Nos propres échanges commerciaux sont très faibles en pourcentage.
Troisièmement, quitter la CEDEAO nous permet de ne plus être soumis aux pressions d’autres puissances via cette organisation. Les textes de la CEDEAO ne prévoient ni sanctions, ni suspensions abusives, encore moins des mesures punitives qui impactent les populations. Ce qui a été fait à nos États est criminel, voire terroriste. Une organisation censée protéger les peuples ne devrait pas les asphyxier.
Enfin, cette rupture nous offre l’opportunité, nous Sahéliens, qui partageons les mêmes défis sécuritaires, sociaux, historiques, géographiques et économiques, de nous unir pour mieux affronter les adversités. Notre ennemi n’est ni la CEDEAO ni ses dirigeants, mais bien le sous-développement. Quitter cette organisation nous donne les mains libres pour penser notre propre développement et préparer un avenir meilleur pour les générations futures.
Le ministre nigérien de la Défense a annoncé la mise en place prochaine d’une force unifiée de l’AES, composée de 5 000 soldats, pour lutter contre le terrorisme. Comment appréciez-vous cette décision ?
C’est une excellente initiative ! L’Alliance des États du Sahel, qui repose sur la coopération en matière de défense et de sécurité, avait déjà posé les bases de cette force dans le cadre du Liptako-Gourma. En la transformant en Confédération, nous avons élargi notre champ d’action.
Le déploiement de ces 5 000 soldats est un premier pas, et ce nombre augmentera sûrement avec le temps. La situation actuelle l’exige. Nos récentes victoires militaires sont le fruit d’une meilleure coordination en matière de renseignement, de logistique, de stratégie et d’opérations. Cette force unifiée permettra d’anéantir la menace terroriste dans l’espace sahélien.
Depuis quelque temps, nous savions que ce contingent serait stationné dans la zone des trois frontières, qui est l’épicentre du terrorisme. Autrefois, l’absence de coordination entre nos États permettait aux terroristes de fuir d’un pays à l’autre pour échapper à la justice. Les frontières artificielles nous contraignaient. Grâce à cette nouvelle force, nous disposerons enfin d’un espace d’opération unifié, tel que décrété par Son Excellence, le Général d’Armée Assimi Goïta. Nos forces pourront ainsi intervenir librement et efficacement.
Que pensez-vous d’une éventuelle candidature du Général d’Armée Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle ?
Vous parlez d’une éventuelle candidature. Mais a-t-il dit qu’il serait candidat ? Pas du tout. Chaque chose en son temps.
Pour l’instant, il exerce une fonction qui requiert toute son attention. Il ne va pas se disperser avec des considérations électorales. Être chef d’État est une charge lourde qui demande un engagement total.
Cela dit, s’il décide un jour d’être candidat, nous serons là pour le soutenir. Nous l’avons toujours soutenu, et nous continuerons à le faire. Mais pour le moment, ce n’est pas d’actualité.
Entretien réalisé par Mory Keïta et Seydou Fané
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