Le Panafricanisme en tant que « doctrine et mouvement de solidarité entre les peuples Africains » date depuis bien avant les indépendances des pays Africains. Des recherches, des lectures nous enseignent que le mouvement serait né en Amérique Latine, précisément au Brésil. Dans le film documentaire qui lui est consacré, Marcus Garvey serait le père du panafricanisme. C’est le premier Président du Ghana, Kwamé Nkrumah qui l’aurait amené des Etats Unis aux termes de ses études.
Le panafricanisme n’est pas l’adhésion ou le retrait d’une Organisation continentale. Ce n’est pas un slogan ou la défense d’intérêts égoïstes, mais un comportement qui doit être fondamentalement inscrit dans les esprits et les actions de tous les jours des personnes et surtout des Dirigeants qui président aux destinées des peuples Africains.
I – DES CADRES AFRICAINS UNIS FACE AUX PROBLEMES DU CONTINENT
Parce que le panafricanisme est un comportement individuel et collectif, on comprend aisément pourquoi des femmes et des hommes panafricains : cadres du public et du privé, politiques, intellectuels, artistes, sportifs et autres du continent et d’ailleurs se sont battus individuellement et collectivement en dehors de toute Organisation pour sauvegarder leurs intérêts et ceux du continent quasiment sans distinctions de frontières et de nationalités. A titres d’illustrations :
Au Ghana, l’économiste de Sainte-Lucie, Sir William Arthur LEWIS, considéré comme un des “Pères Fondateurs de l’Economie du Développement”, Prix Nobel d’économie de 1979, est venu servir en Afrique comme Conseiller Spécial du Premier ministre du Ghana entre 1957 et 1963.
Dans sa théorie du dualisme, il défend qu’une politique Agricole développée (grande employeuse de main d’œuvre) serait à son tour pourvoyeuse de matières premières à une industrie naissante (secteur à forte capacité de main d’œuvre) qui exigera une politique de formation des ressources humaines indispensables.
En raison de sa brillance, William Arthur LEWIS a été anobli par la reine d’Angleterre, il est devenu « Sir William Arthur LEWIS ».
En Guinée, ils ont été une trentaine de cadres de différents pays du continent dont le professeur feu Joseph KI-ZEBO, à rejoindre la Guinée pour abattre auprès du Président Ahmed Sékou TOURE, un travail de titan de reconstruction de ce pays, ravagé par le départ du colonisateur. Celui-ci avait tout emporté, sans laisser le moindre objet et brulé ou détruit tout ce qu’il ne pouvait pas emporter. Le professeur KI-ZERBO, un des premiers Africains Burkinabè, agrégé d’histoire a préféré abandonner ses cours et ses rémunérations de Professeur à l’Université de Dakar, pour contribuer à mettre en ordre un pays frère.
Dans l’émission « Mémoire d’un Continent » (Le Passé de l’Afrique à la Radio) de RFI, du 27 Juin 2013, son épouse Mme Ki-Zerbo née Jacqueline Coulibaly, éducatrice, « considérée comme une figure marquante des événements du 03 janvier 1966 », raconte, parfois avec émotions et larmes, les difficultés rencontrées après le célèbre « non » du Président Ahmed Sékou TOURE au Général De Gaule et comment les Africains se sont fièrement battus.
Il n’y avait presque pas d’horaires de travail, des réunions à l’ombre, l’argent ne comptait pas, pourvu qu’on mange. Chaque brique posée était une fierté dans la construction de l’édifice Guinée, explique – t – elle.
En Afrique de l’Est, pour apporter leurs contributions à la résolution des problèmes de développement économique de leurs pays, des cadres, économistes sociologues et autres du Kenya, Tanzanie, Ouganda, se sont regroupés autour d’une Revue, « East Africa Journal » sous le leadership de Barack H. Obama Sénior, le père de l’ancien Président Américain Barack H. Obama Jr.
Diplômé en économie de l’Université de Harvard, il signa en Juillet 1965 un article célèbre intitulé « Problems Facing Our Socialism » que l’on pourrait traduire par « Problèmes Rencontrés par Notre Socialisme », dans lequel, il fait des propositions pour adapter le système économique socialiste aux réalités socio-culturelles des pays.
Après les indépendances, les pays du continent étaient confrontés au problème de choix du système économique, entre le capitalisme et le socialisme.
Au Mali, qui avait opté pour le système socialiste, le Président Modibo KEITA a fait venir l’économiste Franco-Egyptien Samir AMIN, pour bâtir le premier Plan de développement économique du pays.
L’éminent Professeur en économie assista le pays dans son projet de « battre sa monnaie » et le Franco – Sénégalais Raymond Louis NEGRE a été le premier Gouverneur de la Banque de la République du Mali. (BRM).
En Afrique australe, sur le plan politique, Robert MUGABE avec Kenneth KAUNDA ont été de grands panafricains qui ont contribué énormément à la décolonisation du sud du Continent, notamment dans les anciennes Rhodésie du Sud (Zimbabwe) et du Nord (Zambie).
On comprend que le panafricanisme n’est pas une affaire d’appartenance à une Communauté économique, un Espace politique, une Association, un continent ou autre. Non, c’est l’Afrique dans le cœur de ses filles et de ses fils.
Ayant lancé les défis de l’autodétermination des peuples du continent et de développement économique et social, aux colonisateurs, l’Afrique ressemblait à un vaste pays. Les frontières n’existaient presque pas et les nationalités avaient peu d’importance. En effet des frontières tracées avec la règle ont divisé des peuples. Elles sont plus artificielles que naturelles, n’intéressaient pas trop les pères des indépendances. C’est ainsi qu’entre le Mali et ses sept (07) voisins, il n’y avait pas de visa, la libre circulation était la règle. Et même au-delà, par exemple par la volonté des Présidents Habib Bourguiba et Modibo KEITA, il n’y avait de visa entre la Tunisie et le Mali. Entre le Cameroun et le Mali, le visa a été instauré après plus de 50 ans de libre circulation.
Aujourd’hui, la CEDEAO donne l’impression d’être le précurseur de la « libre circulation des personnes, des biens et des services ». Certes, elle a conservé et renforcé le concept, mais les pères des indépendances avaient quasiment tout prévu. On pourrait même dire qu’il y avait une nation noire.
Oui, il y a bel et bien une « Nation noire ». En effet, outre Sir William Arthur LEWIS au Ghana, le Franco-Egyptien Samir AMIN au Mali, d’autres sommités Noirs Américains comme Marcus Garvey, Malcom X, Louis Farrakhan (l’organisateur de la “marche d’un million d’hommes pour les droits civiques de Noirs”), et des milliers d’autres panafricains blancs sont venus apporter leurs pierres à la construction de l’édifice Africain pour le bonheur des peuples. Les français Jean BENARD, Jean LORY, le Portugais Da NOMBREGA et l’Israélien Eli LOBEL, faisaient partie de l’équipe.
A l’échelle du continent, le Président Kwamé N’Nkrumah a préconisé l’unité du continent dans deux livres. Ensuite, le professeur Cheikh Anta DIOP a, aussi prêché pour l’unité du continent dans un livre : « L’Unité Culturelle de l’Afrique Noire » paru aux éditions Présence Africaine en 1959 pour la première fois, puis revu et augmenté en 1982. Il a rêvé la construction d’une fédération d’Etats dont il a démontré les esquisses dans un livre : « Les Fondements Economiques et Culturels d’un Etat Fédéral d’Afrique Noire », paru aux éditions Présence Africaine en 1960 pour la première fois, puis revu et corrigé en 1974.
Le savant Cheick Anta et d’autres panafricains se retourneraient dans leurs tombes en apprenant que des Africains sont entrain d’apporter leurs concours à des projets de guerre et de destructions de pays Africains.
La suite dans nos prochaines publications.
Siné DIARRA
Expert –Comptable, Essayiste