Qu’il s’agisse de quartiers huppés ou modestes, de demeures d’un certain standing ou modestes, la présence des signes du manque d’hygiène est palpable partout à Bamako. Caniveau remplis d’eaux usées et autres détritus, poubelles débordées, dépôts anarchiques d’ordures, aliments exposés à la poussière se sont incrustés dans le décor de la ville des trois Caïmans. Comme si les citoyens se sont accommodés de la présence incommodante de l’insalubrité, toutes les tentatives pour restaurer le lustre d’antan de la capitale sont restées vaines. Tout porte à croire que l’hygiène se résume au soin que l’on porte à son corps. Question de culture ou d’impuissance ?
La question de l’hygiène ne se limite pas au soin qu’on porte à sa corps, elle englobe notre environnement et ce que l’on consomme. Vu sous cet angle, l’hygiène apparaît comme un ensemble de mesure dont l’observation préserve la santé en protégeant l’homme contre les agressions telles que les piqures de moustiques et autres insectes vecteurs de maladies et dont la prolifération est intiment liée à la qualité de l’environnement. Au regard de la détérioration du cadre de vie dans la capitale, on est en droit de se demander si la population fait un lien entre l’insalubrité et la persistance de certaines maladies dont le paludisme et les maladies pulmonaires. Au moment où les municipalités avec l’accompagnement des plus hautes autorités déploient des efforts énormes pour améliorer la qualité de notre cadre de vie, l’inobservation des mesures de protection de l’environnement par l’immense majorité de la population suscite des interrogations sur la conception de la notion d’hygiène. Les grins, les points de ventes d’aliments jouxtant les mini dépôts d’ordures et les caniveaux remplis d’eaux nauséabondes inclinent à penser que l’hygiène est réduite à la propreté buccodentaire du corps et des habits que l’on porte. L’hivernage et l’après fête de Tabaski marquent le pique de l’insalubrité. Profitant des eaux de pluies, les caniveaux servent de dépotoir de toutes sortes de déchets domestiques. Après l’abattage des moutons de Tabaski, les entrailles sont vidées dans les caniveaux ou abandonnées sur les décharges anarchiques qui pullulent dans les quartiers pour ne pas dire les rues.
Face au constat d’échec de toutes les initiatives d’assainissement (l’organisation des journée de salubrité, ramassage des déchets solides par les municipalités et les campagnes de sensibilisions ponctuées par des menaces de sanctions) l’insalubrité de la ville des trois Caïmans mérite nouvelle approche intégrant entre autres la dimension culturelle et l’évaluation des déchets produit par la population. Au-delà du manque criard de moyens des municipalités et d’insuffisance des dépôts de transit, l’inobservation des mesures d’hygiène environnementale par l’immense majorité de la population est un facteur aggravant de la détérioration du cadre de vie et de travail. Certes la réalisation des infrastructures telles que les caniveaux, les dépôts de transit, décharges finales et la dotation des municipalités en moyens conséquents incombe à l’Etat. Cependant sans une implication de la population, la lutte contre l’insalubrité sera vaine, car c’est elle qui produit les déchets. La protection de l’environnement et l’hygiène du cadre de vie est avant tout une affaire de tous et de chacun. Face à l’échec des nombreuses initiatives, les autorités doivent, élaborer une véritable politique d’hygiène englobant tous les aspects et explorer la culture et le coutumes du pays afin de remettre au goût du jour les bonnes pratiques d’hygiène et de salubrité qui avaient hissé le pays au rang des pays propres.
Bakary Sangaré