Portée sur les fonts baptismaux par trois pays dans la foulée de l’annonce d’une intervention militaire brandie par la CEDEAO contre les nouvelles autorités du Niger pour rétablir le président Mohamed Basoum dans ses fonctions, l’AES cristallise les espoirs de la restauration de la souveraineté et la relance économique dans les trois pays membres à travers des projets ambitieux dont le fédéralisme et la création d’une monnaie commune. Au regard de l’ampleur des défis à relever pour la réalisation de ses ambitions légitimes, l’AES a-t-elle les moyens de sa politique ?
Pour s’affranchir du diktat de la CEDEAO considérée comme le relai de l’ex puissance colonisatrice, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont pris l’option de tourner le dos à l’organisation sous régionale dont la fragilité a été mise en lumière par la crise sociologique que traverse bon nombre de ses Etats- membres. Partie d’une volonté de mutualisation des forces pour lutter contre toutes formes d’agressions visant un de ses membres, l’AES s’est transformée au fil du temps, en un ambitieux programme d’intégration économique et sociale qui coupe le sommeil à la CEDEAO et l’UA qui la perçoivent comme une trouble-fête déterminée à bousculer l’ordre préétablie. Et il y’a de quoi ! Outre la mutualisation des forces dans la lutte contre le terrorisme et toutes formes d’agression, les trois pays nourrissent d’ambitieux programmes socioéconomiques et le renforcement de la solidarité pour conjurer la pauvreté endémique qui frappe la population des trois pays au demeurant pleins de ressources naturelles, synonymes de richesses. Soutenue par la majorité de la population des trois pays à cause de la légitimité de son combat contre l’accaparement des richesses par d’autres pays hors du continent avec la complicité passive ou active des organisations régionales et sous régionales, tous les regards convergent vers l’AES avec cependant, des interrogations sur les moyens dont dispose l’alliance pour gérer à court et à long termes l’impact de certains de ses projets dont la création d’une monnaie commune et le fédéralisme qui se dessine en toile de fond sur la vie sociale dans son espace. Au-delà de l’optimisme et la confiance affichés par les initiateurs de l’AES, ce Project qui se veut une alternative salvatrice aux organisations régionales et sous régionales dont l’échec sur les sentiers initiaux ne souffre de l’ombre d’aucun doute, suscite des interrogations. Sans être réticentes aux projets de l’AES, des voix déplorent la non implication des forces vives dans les prises de décisions. Au regard des enjeux et des implications des objectifs cette opinion estime que les échanges autour de l’AES doivent aller au-delà du cercle des experts pour intégrer les leaders d’opinions et les acteurs de la vie publique qui un rôle prépondérant pour la pérennisation des actions. Pour cette opinion, la mise à jour de la création d’une nouvelle monnaie, d’une compagnie aérienne et le fédéralisme fait remonter en surface l’échec de ces trois projets politiques dans un passé relativement ressent. A ceci, il faut ajouter l’éternelle problématique de la gouvernance et le retard accusé dans l’industrialisation. Les initiateurs ont-ils tiré toutes les leçons du passé ? Disposent-ils de l’expertise requise pour mener à bien les projets ? Ce sont là, quelques questions que se posent les observateurs. Ces questions qui traduisent une certaine inquiétude sont certes légitimes, cependant, face à la propension des organisations régionales et sous régionales à s’attaquer aux effets et non à la cause de l’instabilité des pays membres, l’AES demeure la seule alternative pour palier la timidité de ces organisations existantes qui ont plus ou moins brillées par la modestie de leur contributions dans la lutte contre le terrorisme, la pandémie du Covid 19 et sur le plan de l’intégration économique. A cet égard, l’AES, malgré l’immensité des défis à relever, est un choix réaliste à plus d’un titre. Elle incarne d’une part, la volonté d’un changement de l’ordre préétablie qui ne profite qu’à quelques privilégiés et en d’autres parts, la nécessité d’une réforme en profondeur des organisations Africaines pour préserver la fragile unité entre les pays du continent.
Bakary Sangaré