Le couperet est tombé. Vendredi 14 mars 2025, le ministère guinéen de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a dévoilé le rapport final de sa mission d’évaluation des partis politiques. Le bilan est sans appel : 27 partis dissous, 28 suspendus et 24 placés sous réserve. Cette décision s’inscrit dans une dynamique amorcée il y a plusieurs mois par la junte au pouvoir, dirigée par le Général Mamadi Doumbouya, visant officiellement à assainir le paysage politique du pays. S’agit-il d’une nécessité institutionnelle ou d’un coup de force destiné à museler toute opposition ?
Lancée dans un contexte de transition politique sous tension, cette évaluation des formations politiques en Guinée avait déjà donné lieu, lors d’une première phase, à des chiffres révélateurs : 67 partis placés sous observation, 54 suspendus en attente de régularisation et 37 n’ayant pu être rencontrés par les enquêteurs. L’atelier de restitution du 14 mars marque l’aboutissement de cette démarche, qui se traduit désormais par des décisions radicales.
Les autorités justifient ces mesures par un impératif de mise en conformité avec la législation en vigueur. Selon le ministère, de nombreux partis ne respecteraient pas les exigences légales en matière de structuration, de fonctionnement et de représentativité. Un argumentaire qui se veut légaliste mais qui suscite de vives interrogations quant à l’objectivité du processus.
Un verrouillage politique déguisé ?
Pour nombre d’observateurs, cette vague de dissolutions et de suspensions ne peut être dissociée du contexte politique actuel en Guinée. Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d’État en septembre 2021, le Général Doumbouya et son Conseil national de transition (CNT) sont engagés dans une gestion autoritaire du pays, au grand dam des partis d’opposition et de la société civile.
Si certains acteurs politiques reconnaissent la nécessité de mieux encadrer la vie partisane pour éviter le phénomène de “partis-mallette”, souvent dépourvus de toute base réelle, ils dénoncent néanmoins une manœuvre opportuniste. « La transition devait être une période d’ouverture et de dialogue. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une consolidation du pouvoir par l’exclusion des voix discordantes », estime un cadre de l’ex-président guinéen.
Quelles conséquences pour la transition ?
Alors que la communauté internationale maintient la pression sur le gouvernement guinéen pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, cette décision risque d’aggraver les tensions politiques. Déjà sous le feu des critiques pour des atteintes répétées aux libertés publiques, interdictions de manifestations, arrestations d’opposants, le régime de Doumbouya envoie un nouveau signal préoccupant.
En restreignant drastiquement le champ politique, la junte prend le risque de voir ressurgir des foyers de contestation. Plusieurs partis touchés par cette mesure pourraient saisir la Cour suprême pour contester la légalité des décisions, tandis que les opposants appellent déjà à une mobilisation contre ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire.
Mamadi Doumbouya joue une partie délicate. Entre aspirations à la stabilité et volonté de contrôle absolu, son pari est risqué. La Guinée se trouve à un tournant. Le pouvoir en place devra démontrer que cette réforme ne vise pas uniquement à éliminer la concurrence, sous peine d’embraser une scène politique déjà minée par la défiance et les incertitudes.
B. Sangaré