Le 10 mars dernier, dixième jour du mois sacré de Ramadan, a marqué le début d’une tradition qui occupe une place spéciale dans le cœur des Maliens, et plus particulièrement des enfants : le « Yogoro et Sarawalé ».
Chaque année, dès l’entame de ce mois béni, les enfants se transforment en de véritables artistes et parcourent les rues, déguisés, pour chanter et danser de maison en maison. En retour, les familles les gratifient d’offrandes telles que de l’argent, des céréales, ou d’autres produits, perpétuant ainsi un rituel profondément ancré dans la culture malienne. Cependant, cette tradition se vit différemment, selon l’endroit où l’on se trouve, et c’est particulièrement le cas entre Mopti et Bamako.
Une tradition vivante à Mopti
Si le « Yogoro et Sarawalé » reste une fête joyeuse dans de nombreuses régions du Mali, c’est à Mopti, la « Venise du Mali », que cette tradition prend toute sa splendeur. Là, pendant le mois de Ramadan, la ville s’anime d’une manière spectaculaire. Les enfants, vêtus de costumes colorés et créatifs, se regroupent par clans, formant de petites troupes pleines d’énergie. Ils traversent les ruelles de la ville, se produisant de maison en maison, rendant hommage aux habitants par leurs chants entraînants et leurs danses effervescentes.
Ce n’est pas simplement un spectacle, c’est une véritable fête communautaire. À Mopti, la ville semble se transformer en un théâtre à ciel ouvert où les rires des enfants résonnent jusque tard dans la nuit. Les maisons deviennent des scènes vivantes, et chaque prestation est une occasion de renforcer les liens sociaux. L’enthousiasme est palpable, et les familles, ébahies et heureuses, offrent des dons en guise de reconnaissance pour la joie apportée à leur foyer. C’est dans cette atmosphère vibrante et colorée que le « Yogoro et Sarawalé » trouve toute sa signification, en créant un moment de solidarité et de joie pure.
Le contraste avec Bamako
Cependant, cette tradition semble de moins en moins présente dans la capitale malienne, Bamako. Tandis que Mopti se transforme en un véritable spectacle vivant, Bamako, en raison de son urbanisation rapide et de son mode de vie effervescent, semble avoir perdu une grande partie de cette magie. Dans la capitale, les rues restent souvent silencieuses, et la jeunesse semble plus absorbée par d’autres formes de distractions modernes, comme la télévision ou les réseaux sociaux. Le « Yogoro et Sarawalé », qui autrefois animait les quartiers de Bamako, semble se faire de plus en plus rare, presque oublié au profit de nouvelles tendances.
Les jeunes générations, plus éloignées des traditions rurales, semblent se désintéresser de ces coutumes pourtant riches en valeurs communautaires. Alors que les petites villes et les villages continuent de célébrer cette activité avec ferveur, Bamako, avec son rythme de vie trépidant, laisse place à un Ramadan plus intérieur, souvent plus spirituel, mais moins festif.
Un héritage culturel à préserver
Le contraste entre Mopti et Bamako est frappant, et il est essentiel de souligner l’importance de préserver cette tradition vivante. Dans des villes comme Mopti, le « Yogoro et Sarawalé » incarne la résilience des traditions populaires, un lien inaltéré entre les générations et un vecteur de valeurs essentielles telles que l’unité, le partage et la convivialité. La manière dont Mopti vit cette tradition montre à quel point elle est capable de nourrir l’esprit communautaire et de rapprocher les gens.
Il devient urgent, particulièrement dans les grandes villes comme Bamako, de redonner de la place à ces rituels. Il ne s’agit pas simplement de célébrer une tradition, mais de raviver les liens sociaux et de rappeler à chacun l’importance de la communauté. Il est encore temps de faire revivre le « Yogoro et Sarawalé » en ville, de créer des événements où les enfants des zones urbaines peuvent eux aussi vivre cette expérience collective, d’organiser des défilés et des festivals pour réintégrer ces pratiques dans le tissu social.
Un patrimoine à partager
Le « Yogoro et Sarawalé » est bien plus qu’une simple coutume ; c’est un véritable patrimoine culturel, un moment de joie et de partage qui réunit les jeunes et les moins jeunes autour de valeurs fondamentales. Alors que Mopti continue de vibrer au rythme des chants et des danses, il est crucial de préserver et de diffuser cette tradition dans les villes, pour que demain, ce patrimoine reste vivant. Le Ramadan ne serait pas le même sans ces instants de magie, et c’est à nous de les transmettre aux générations futures, pour qu’elles puissent, elles aussi, goûter à cette richesse culturelle inestimable.
Aïssata Tindé
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