La Commission des Nations unies sur les droits de l’homme au Soudan du Sud a présenté, vendredi 28 février, un rapport alarmant sur la situation dans le pays. Le document met en lumière des violations massives des droits humains et une corruption endémique. Exécutions extrajudiciaires, recrutement forcé d’enfants et violences sexuelles systématiques continuent de sévir, plus d’une décennie après l’indépendance, selon les experts de l’ONU.
Le document, remis au Conseil des droits de l’homme à Genève, souligne la responsabilité des élites politiques dans la persistance des conflits armés. « Il est inadmissible que, tant d’années après l’indépendance, les dirigeants politiques poursuivent leurs violentes contestations à travers le pays et laissent tomber le peuple sud-soudanais », a déclaré Yasmin Sooka, présidente de la Commission.
Le rapport revient en particulier sur les événements de Tambura, où les affrontements entre forces gouvernementales et milices ont repris en 2024 sur fond de tensions ethniques exacerbées, faisant écho aux violences de 2021. La Commission accuse les dirigeants locaux et nationaux d’avoir attisé ces conflits tout en consolidant leur pouvoir.
Une autre source d’inquiétude réside dans la récente adoption de la loi du « Livre vert » dans l’État de Warrap, qui autorise les exécutions extrajudiciaires en cas de suspicion de vol de bétail ou de violences communautaires. Une mesure qui, selon les experts, institutionnalise les violations des droits fondamentaux et renforce l’impunité.
Sur le plan économique, le rapport met en lumière une gestion opaque des finances publiques. Alors que le gouvernement a engrangé 3,5 milliards de dollars de recettes entre septembre 2022 et août 2024, les infrastructures essentielles tribunaux, écoles, hôpitaux restent sous-financées, et les fonctionnaires ne sont toujours pas rémunérés.
« Le financement des services essentiels et des institutions de l’État de droit exige la mise à terme de la corruption. Le vol de la richesse nationale prive les citoyens de justice, d’éducation et de soins de santé », a dénoncé Carlos Castresana Fernández, membre de la Commission.
En septembre 2024, les autorités sud-soudanaises ont prolongé de deux ans la période de transition politique, invoquant des contraintes budgétaires. Mais, sans lutte effective contre la corruption, la Commission met en garde : « Si l’on ne s’attaque pas à ce pillage systémique, aucun accord de paix ne se traduira jamais par des changements significatifs. »
Créée en 2016 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud renouvelle chaque année son mandat. Composée de trois experts indépendants, elle travaille sans rémunération et en toute autonomie.
Seydou Fané