Censé être un rempart contre les tensions sociales, le « pacte de stabilité sociale » signé en grande pompe en août dernier entre le gouvernement malien et plusieurs organisations syndicales s’effondre sous le poids des réalités. À peine six mois après sa mise en place, la fronde syndicale s’amplifie, les grèves se multiplient.
Les enseignants ont ouvert le bal. Depuis février, les grèves paralysent certains établissements scolaires. Salaires en retard, revalorisations promises mais jamais appliquées, conditions de travail indignes
Dans le secteur de la santé, le scénario est similaire.
Face à cette contestation généralisée, l’exécutif malien oscille entre mutisme et tentatives maladroites d’apaisement. Le ministre du Travail s’évertue à promettre une « mise en œuvre progressive » des engagements pris. Une rhétorique éculée qui ne convainc plus personne. « On nous fait le coup à chaque fois. Des promesses, toujours des promesses, mais aucun acte concret », fulmine un leader syndical.
Depuis le coup d’État d’août 2020, les autorités de transition peinent à redresser une économie en lambeaux et à endiguer les crises qui s’empilent. Entre sanctions internationales, insécurité persistante et gestion chaotique des finances publiques, la marge de manœuvre est réduite. Mais ce n’est pas une excuse aux yeux des travailleurs qui exigent des résultats immédiats. « Ce gouvernement n’a ni la volonté ni la capacité de répondre à nos revendications », tranche un responsable syndical.
Derrière ces grèves, c’est aussi un rejet plus large du pouvoir en place qui se dessine. Le malaise social s’imbrique dans un contexte de défiance généralisée envers une gouvernance jugée opaque et inefficace. « Le pacte social devait être un bouclier contre la rue. Il est en train de devenir un catalyseur de la colère », analyse un politologue. Car au-delà des revendications salariales et des conditions de travail, c’est bien la légitimité du pouvoir qui est en jeu.
Les travailleurs du CHU Gabriel Touré, les enseignants du supérieur, les employés des postes, du Conservatoire des Arts et Métiers ou encore du secteur bancaire : tous dénoncent un État incapable d’assumer ses obligations. L’arrestation du professeur Broulaye Samaké, considéré comme un symbole des dérives autoritaires du régime, a été la goutte d’eau pour plusieurs syndicats qui ont immédiatement enclenché des mouvements de grève en riposte.
L’État malien au bord de la rupture sociale ?
Le gouvernement peut-il encore désamorcer la bombe sociale qui menace d’exploser ? Rien n’est moins sûr. L’accumulation des frustrations, l’impasse économique et l’incapacité des autorités à tenir leurs engagements risquent d’ouvrir la porte à une crise politique majeure. Le pacte de stabilité sociale, vanté comme une avancée historique, apparaît désormais comme une illusion balayée par la réalité d’un pays en souffrance. En attendant, c’est la population qui en paie le prix : élèves sans professeurs, patients sans soins, travailleurs sans salaire.
Seydou Fané