La grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara par le chef de l’État guinéen, Mamadi Doumbouya, fait l’effet d’une onde de choc. Moins d’un an après sa condamnation à vingt ans de prison pour crimes contre l’humanité dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009, l’ancien président autoproclamé retrouve la liberté. Une décision qui suscite l’indignation de l’ONG Human Rights Watch (HRW), dénonçant un geste précipité, alors même qu’une procédure en appel est toujours en cours.
« La grâce accordée par le président Doumbouya à l’ancien président autoproclamé Dadis Camara est un choc », réagit Tamara Aburamadan, conseillère en justice internationale à HRW. L’organisation rappelle que les victimes du massacre attendent justice depuis quinze ans. « Sa condamnation l’année dernière a été saluée par de nombreuses victimes qui y ont vu au moins une certaine forme de justice », souligne la représentante.
Le massacre du 28 septembre 2009, survenu lors d’une manifestation pacifique au stade de Conakry, demeure l’une des pages les plus sombres de l’histoire guinéenne. Plus de 150 personnes y ont trouvé la mort, des dizaines d’autres ont été violées. Un drame pour lequel Dadis Camara, alors chef de la junte, a été reconnu coupable l’an dernier. Une victoire de courte durée pour les victimes, dont l’espoir d’un début de réparation s’effondre brutalement avec cette grâce présidentielle.
Officiellement, l’ancien chef de la junte bénéficie d’une grâce pour « raison de santé ». Le ministre de la Justice, Yaya Kairaba Kaba, a confirmé hier que Dadis Camara retrouvait « toute sa liberté et sa pleine liberté ». Une libération qui, selon HRW, doit répondre à des critères précis en vertu du droit international. « La grâce peut être accordée à condition qu’il n’y ait pas de traitement spécial et que la libération soit le résultat d’une détermination médicale indépendante, complète et concluante établissant la gravité de son état de santé », précise l’ONG.
Outre cette exigence, HRW soulève une autre interrogation juridique. « La grâce pourrait ici également être prématurée en vertu du droit guinéen étant donné l’appel en cours », insiste Tamara Aburamadan. L’organisation plaide pour un contrôle judiciaire de cette décision, estimant qu’une grâce ne peut être un simple outil politique au détriment du droit des victimes.
Dans un pays où l’impunité des dirigeants est souvent dénoncée, cette décision fait craindre un retour à une justice de connivence. Si la réhabilitation de Dadis Camara est un choc, elle est aussi un signal inquiétant envoyé à ceux qui attendent que la lumière soit faite sur les pages sombres de l’histoire guinéenne.
Seydou Fané