Parvenir à organiser des élections libres et à se retirer après un coup d’État est un exercice auquel peu de militaires se prêtent. L’histoire politique du continent regorge d’exemples où les auteurs de putschs, après avoir dirigé une transition, sont revenus au pouvoir par les urnes ou par d’autres moyens.
Loin de se contenter d’assurer une transition vers un régime civil, nombre de militaires en Afrique, après avoir pris le pouvoir par la force, finissent par s’y installer durablement. Qu’ils restent sous leur uniforme ou revêtent un costume de candidat, le scénario se répète : promesses initiales de transition, échéances électorales repoussées, puis légitimation par le suffrage ou par d’autres stratagèmes.
L’histoire politique africaine offre plusieurs exemples où des militaires ont transformé une transition en un règne prolongé.
Le cas tchadien illustre bien ce phénomène. En 1990, le général Idriss Déby renverse Hissène Habré, s’engage dans une transition puis organise des élections en 1996… qu’il remporte. Il restera au pouvoir jusqu’à sa mort en 2021, après avoir consolidé son régime par des modifications constitutionnelles et des réélections successives.
Son fils, Mahamat Idriss Déby, lui succède à la tête du Conseil militaire de transition, promettant de ne pas briguer la présidence. Pourtant, en 2024, il annonce sa candidature, poursuivant l’héritage militaire au pouvoir.
Au Gabon, le général Brice Oligui Nguema qui a renversé Ali Bongo en août 2023, a annoncé hier sa candidature à l’élection présidentielle du 12 avril.
Le scénario du militaire devenu président par les urnes s’est déjà produit ailleurs. En Égypte, Abdel Fattah al-Sissi renverse le président élu Mohamed Morsi en 2013, dirige la transition, puis organise des élections en 2014, qu’il remporte avec une large majorité. Depuis, il a renforcé son contrôle sur le pays à coups de réformes institutionnelles et d’un verrouillage politique.
Le Mali a connu un cas similaire avec Amadou Toumani Touré. Après avoir dirigé la transition en 1991, il revient au pouvoir en 2002, cette fois élu, avant d’être lui-même renversé en 2012.
L’histoire récente montre que, bien souvent, les militaires ne quittent le pouvoir que pour mieux y revenir sous une autre étiquette. En repoussant les élections ou en se présentant sous un cadre civil, ils façonnent un système où la transition n’est qu’un prétexte à la consolidation du pouvoir.
Tous les regards sont désormais tournés vers les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Suivront-ils la même trajectoire que leurs homologues tchadien et gabonais, en transformant leur transition en un tremplin vers une présidence durable ?
Seydou Fané