Un affront au sacré ou un simple rappel des interdits religieux ? L’imam Mahi Ouattara a lancé un appel retentissant. Il invite les autorités à raser le Monument Kontoro ni Saané, cette statue érigée en hommage aux chasseurs traditionnels du Mandé. Un ultimatum religieux, brandi comme une injonction divine, qui ne manque pas de diviser.
Dimanche dernier, lors d’un sermon enflammé, l’imam de la grande mosquée de Niaréla a dénoncé la présence de cette œuvre de pierre et de bronze, la qualifiant d’« idole païenne » en contradiction avec les principes de l’islam. « Nous ne voulons pas que le jour du Jugement dernier, cette statue soit un fardeau pour notre nation. Elle doit disparaître avant qu’il ne soit trop tard », a martelé le religieux devant une assemblée acquiesçante.
Le Monument Kontoro ni Saané, érigé à la suite d’une promesse de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, est censé honorer une confrérie autrefois pilier du Mandé. Les chasseurs donso, figures tutélaires de la tradition, étaient bien plus que de simples tireurs d’élite : ils assuraient la protection des villages, réglaient les conflits et veillaient sur les âmes. Une mémoire que certains voudraient sanctuariser, tandis que d’autres la jugent contraire aux préceptes religieux.
Cet appel de l’imam n’est pas sans écho. Depuis plusieurs années, un vent de rigorisme souffle sur les symboles du passé, opposant ceux qui défendent une culture enracinée dans l’histoire du Mali et ceux qui prônent une vision plus orthodoxe de la religion. « La religion n’interdit pas d’honorer nos ancêtres, mais il ne faut pas tomber dans l’adoration des statues », tempère un théologien, interrogé sous couvert d’anonymat.
Mais la question dépasse le simple cadre religieux. Le Monument Kontoro ni Saané est aussi un marqueur identitaire, un rappel que l’histoire du Mali ne se résume pas à sa seule dimension spirituelle. Détruire un symbole, est-ce effacer une part de soi ? Ou est-ce au contraire un geste nécessaire pour aligner la nation sur des principes plus purs ?
La Rédaction