Dans une tribune publiée le lundi 17 mars, l’ancien maire et ancien ambassadeur Yeah Samaké pose son regarde sur l’installation « agressive » des délégations spéciales en remplacement des conseils municipaux élus. Une décision qui, selon lui, met en péril l’émergence d’élites locales et fragilise le développement communautaire.
La transition en cours au Mali, enclenchée dans un contexte de crise politique et sécuritaire, avait nourri l’espoir d’un renforcement des institutions locales. Mais la nomination de délégations spéciales par l’État, sans consultation des populations ni calendrier précis pour la tenue d’élections, suscite de vives préoccupations.
Yeah Samaké souligne une contradiction avec le Code des collectivités territoriales, qui établit le principe de libre administration des collectivités. Selon l’article 3 de ce texte, celles-ci doivent être dirigées par des conseils élus, garantissant ainsi une gestion ancrée dans les réalités locales. Or, la mise en place de délégations spéciales, composées de membres désignés par l’exécutif, remet en cause cette autonomie.
L’ancien candidat à l’élection présidentielle pointe également une atteinte à l’article 9 du même code, qui confère aux collectivités une personnalité morale et une autonomie financière. En centralisant davantage la gestion des affaires locales, l’État court-circuite les mécanismes de redevabilité et prive les citoyens de leur droit de regard sur la gouvernance locale.
Outre la question juridique, la suppression des conseils municipaux élus prive de nombreux acteurs locaux d’une expérience essentielle à l’apprentissage des responsabilités publiques. « La démocratie locale est un vivier pour l’émergence de leaders enracinés dans les réalités des populations. En les écartant du processus de gouvernance, on affaiblit une dynamique essentielle à la construction du pays », regrette Yeah Samaké.
Selon lui, les jeunes leaders et les figures émergentes de la politique locale se retrouvent ainsi écartés des rouages du pouvoir, freinant leur montée en compétence et leur implication dans la gestion des collectivités.
« Lorsqu’une collectivité est privée de ses prérogatives, les habitants ont tendance à se désintéresser de la gestion des projets locaux. Or, la décentralisation repose sur une responsabilité partagée entre les autorités locales et les citoyens », rappelle l’ancien ambassadeur.
Face à ces enjeux, Yeah Samaké formule plusieurs recommandations. Il préconise notamment de « respecter la libre administration des collectivités, en garantissant leur gestion par des conseils élus, conformément à l’article 3 du Code des collectivités », et de « limiter la durée des délégations spéciales, en encadrant leur mandat par un calendrier clair pour l’organisation d’élections locales ». Il demande de « renforcer la participation des citoyens, afin de rétablir un lien entre les populations et leurs représentants ».
O.K