Au Mali, l’un des critères les plus importants pour sceller un mariage est la religion. De quelle religion es-tu ? Es-tu musulman ou musulmane ? Est-ce que tu pries ? Voilà des questions que les parents des différents préposés au mariage concernés posent avant toute intervention. Toutefois, s’il s’avère que les deux volontaires sont de confession différente, cela peut être la source d’une opposition ferme des parents, des aînés ou de la communauté entière. Ça peut être également source d’incompréhensions de plusieurs natures, entre les conjoints, une fois l’union scellée. C’est, enfin, une situation des plus inextricables, quand on sait que toute décision fondée sur la religion est, de ce fait même, non négociable dans notre société.
La religion est un critère irremplaçable pour l’union de deux personnes dans notre société. Oui, au Mali, l’une des conditions nécessaires pour sceller le lien du mariage entre deux personnes est la similarité des religions. D’où « un musulman doit épouser une femme musulmane, une chrétienne dois épouser un chrétien et vice-versa ». Pourquoi donc ? Hélas ! pour la simple raison que, dans nos sociétés, le mariage mixte ou interconfessionnel est mal accueilli par les aînés et la communauté. Toutefois, quelles sont les raisons qui motiveraient une telle astreinte ? Quel impact peut avoir le mariage interreligieux sur la foi ou la stabilité d’un couple ?
« Le Mariage entre deux personnes de religion différente est déconseillé car, au final, l’un des deux se sacrifiera toujours pour l’autre. Et, à l’avenir, cette union peut impacter les enfants tout comme ça pourrait affecter les relations entre les conjoints et leurs communautés respectives », affirme Mme Touré Yabba Cissé, comptable à la retraite.
Selon Mme Touré, le mariage mixte est déconseillé, même si les deux intéressés s’aiment. « Deux personnes de confession différente impliquent des mœurs différentes, ce qui veut dire tout simplement que l’un peut aimer ce que l’autre accueille comme un tabou. Même si, au début, malgré l’opposition des parents, les conjoints parviennent à s’unir, ils feront face à beaucoup de mésententes et d’incompréhensions dans la société, tout comme ils pourront s’opposer sur l’éducation des enfants. Les enfants seront pris entre deux confessions différentes. Par la suite, ils seront sans repère », explique notre interlocutrice. Puis de conclure : « Compte tenu des cas que j’ai vus, le mariage a été formellement condamné par les parents ou après l’union, au fil du temps, le sacrifice d’un des conjoints s’en est suivi. Soit l’homme s’est converti à la religion de son épouse soit l’inverse. Cette union mixte est mal accueillie par toutes les religions. Donc, à mon avis, il ne faut pas outrepasser les barrières religieuses car les raisons qui sont à l’origine du refus et de la non-adhésion des parents et des proches sont toujours très profondes ».
Malgré la différence, l’opposition des parents et de la communauté, il existe des couples qui se sont unis et qui ont su résister à tout, même si d’autres ont été confrontés à des problèmes qui ont occasionné la dissolution de leur mariage.
Isaac Mathieu Kamaté s’est marié en 2016 avec une musulmane, nous a fait part de des histoires et des sacrifices que son couple a connus. « Avant d’épouser ma femme, j’ai fait face à plusieurs obstacles, notamment du côté des parents voire de nos communautés respectives. Après des supplications et diverses interventions, nos familles ont accepté mais les complications ont émaillé notre parcours, depuis l’entame des démarches jusqu’au mariage. Après l’union, ma femme a continué à pratiquer sa religion et moi, la mienne mais, après, des complications sont survenues, surtout à la venue des enfants. Dès lors, j’ai pris la décision que mes enfants seraient libres de choisir le chemin et la religion qu’ils veulent. Je pense également que nous adorons le même Dieu, même si cela se fait par des chemins différents », nous a confié Kamaté. D’après notre intervenant, le mariage mixte implique plusieurs sacrifices et énormément de communication entre les deux conjoints. « La société ne facilite pas la tâche aux mariés mixtes. Car l’union d’un chrétien et d’une musulmane demeure taboue pour beaucoup de gens. Cela dit, si vous décidez de vous unir malgré les obstacles, il faudra, coûte que coûte, être prêt à en payer le prix », termine Isaac Mathieu en philosophe.
Pour sa part, Mariam Thienta, commerçante, affirme que, pour de nombreuses causes, les relations mixtes sont vouées à l’échec. « Mon mari et moi n’étions pas de la même religion. Je me suis mis à dos toute ma famille pour me marier avec lui. Après un an, j’ai su que la religion eétait très importante dans la vie d’un couple. Il faisait plusieurs choses qui allaient à l’encontre de ma confession et mes convictions religieuses, des choses qui étaient considérées comme Haram chez nous. Il a tenté, par la suite, de me forcer à me convertir à sa religion et estallé jusqu’à vouloir m’interdire de pratiquer certains rites comme le jeûne ou faire des festivités religieuses », relate calmement Mme Thienta, avant de poursuivre son intervention en exhortant les jeunes filles et les jeunes hommes à réfléchir longuement avant de prendre certaines décisions : « Par finir, j’ai reconnu que mes parents avaient raison et j’ai divorcé. Le poids était trop lourd à porter. J’invite mes frères et sœurs à accepter les problèmes de ces unions interconfessionnelles et à ne pas s’y aventurer si les parents et la communauté s’y opposent. Car il y a toujours des raisons très profondes qui impliquent leur refus ».
De ces différents témoignages, il ressort que le mariage interreligieux demeure une pratique déconseillée ou du moins complexe dans le fond et dans la forme.
Bamakomatin