Après de longues heures de débats (de 9h à1h56mn du matin), le lundi 8 juillet 2024 , la Cour d’Assises spéciale a rendu son verdict dans l’affaire de l’Agence pour l’Aménagement et la Gestion des Zones Industrielles du Mali ( AZI-SA) contre Makoye Sissoko Directrice Générale de AZI-SA, Yacouba Traoré, ingénieur de construction, Madina Coulibaly agent commerciale, Alpha Macky Tall , informaticien, Aissatoun Mahamane Touré, agent commerciale et Mariam Sangaré, comptable, pour atteinte aux biens publics.
L’ex Directrice Générale de l’AZI-SA, principale accusée dans ce dossier de détournement de plus de 1 milliard FCFA, Makoye Sissoko écope de 5 ans de prison ferme et doit payer une amende de 500.0000 FCFA pour réparer le préjudice moral et matériel subi par l’AZI-SA. Aissatoun Mahamane Touré et Mariam Sangaré se sont vues infliger 5 ans de prison assortie de sursis et le paiement d’une amende de 250.000 FCFA. Quant à Madina Coulibaly, elle a été condamnée par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité. Yacouba Traoré et Alpha Macky Tall ont été acquittés pour faute de preuves.
Retour sur le film des faits reprochés aux accusés
Ce 24 décembre 2019, Maître Abdourhamane Boubacar MAÏGA, Avocat inscrit au Barreau du Mali, au nom et pour le compte de l’Agence pour l’Aménagement et la Gestion des Zones Industrielles (AZI-SA), saisit le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier, d’une plainte formulée contre X pour atteinte aux biens publics, soustraction de biens dans le secteur privé et abus de biens sociaux.
Ainsi, un mandat en date du 25 juillet 2002, ayant fait l’objet de relecture le 20 février 2016, puis le 31 mai 2018, I’Etat du Mali , représenté par la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre, confie à l’Agence pour l’Aménagement et la Gestion des Zones Industrielles (AZI-SA), la mission exclusive de service public consistant à aménager toutes les zones à vocation industrielles en République du Mali, à y installer les industriels et à les gérer pour le compte de l’Etat ;
A ce titre, l’AZI-SA proposera à ses clients des parcelles dans le lotissement de la zone industrielle de Dialakorobougou. Pour matérialiser les différentes ventes, des fiches de réservation et des promesses de vente sont établies par l’Agence au profit de ses clients pour leur permettre d’honorer les coûts de viabilisation et le prix de cession des parcelles.
Au début, les paiements se font directement dans les comptes ouverts par l’AZI-SA auprès des établissements financiers de la place ou à la Direction financière de l’Agence. Et curieusement, à partir de 23-08-2009, des pratiques malsaines sont instaurées et conduisent des clients à effectuer les paiements en espèce auprès de la direction commerciale en se passant des services des banques et de la direction financière.
Interrogés, ces clients ont avancé qu’ils ont été approchés à cet effet par des agents de la direction commerciale de l’Agence au motif que les comptes de la société font l’objet de saisie et qu’ils se chargeraient de reverser I’argent dans la comptabilité de I’Agence. En effet, les acteurs de cette pratique se sont arrangés à délivrer aux clients floués des faux reçus fabriqués avec l’en-tête de l’AZI-SA. Ces pratiques feront perdre à l’agence la somme de 545.269.168) F CFA. Et Makoye Sissoko est accusée d’avoir détourné ce montant.
Saisie du dossier, les investigations immédiatement menées par la Brigade du Pôle Economique et Financier de Bamako ont permis de constater des atteintes multiformes aux biens et intérêts de la société AZI-SA. Notamment dans la procédure de paiement au sein de la société par le non- reversement total ou partiel des fonds que les clients effectuaient dans les caisses de l’AZI-SA. Ces pratiques malsaines ont causé un préjudice énorme estimé à plus d’un milliard (1. 000. 000. 000) F CFA à l’agence.
A la barre, les arguments avancés par Makoye SISSOKO n’ont pu prospérer dans la mesure où il ressort clairement des différents procès-verbaux de déposition des témoins, notamment celui de Modibo DIALLO, chef comptable de la société AZI-SA, et de Mariam KEITA que c’est Makoye SISSOKO elle-même qui a pris l’initiative de rattacher la caisse au service commercial. Selon les témoins qui ont comparu, tous les problèmes ont découlé de cette mesure.
Il ressort clairement des procès-verbaux d’interrogation au fond des agents commerciaux de AZI-SA que c’est Makoye SISSOKO qui, en sa qualité de directrice de la structure au moment des faits, leur faisait faire, non seulement sansleur donner des montants correspondants à reverser au service comptable mais qu’elle leur faisait également reprendre des fiches de réservation en minorant les prix payés par les clients. Lors de sa déposition devant le magistrat instructeur, Modibo DIALLO, chef comptable de la société AZI-SA a affirmé à titre illustratif, parmi tant d’autres, que dans le cadre de la vente faite à la société Aminata KONATE, Makoye SISSOKO a encaissé 25.000. 000 FCFA qu’elle n’a daigné reverser au service comptable. Pire encore, dans le cas du client Soumaïla SYLLA, elle a perçu le montant de 75. 000. 000 FCFA sur lequel elle n’a reversé que 62. 500. 000 FCFA au service comptable. Dès lors, estime le ministère public « il y’a lieu de retenir les faits en charges suffisantes contre elle ».
A l’enquête préliminaire ainsi qu’à la barre, Yacouba TRAORE et Alpha Macky Tall ont catégoriquement nié les faits qui leur sont reprochés avant d’être acquittés pour faute de preuves. Aissatoun Mahamane Touré et Mariam Sangaré, ont également réfuté à la barre leurs chefs d’accusations en les rejetant sur Makoye Sissoko en tant que Directrice Générale à l’époque de l’AZI-sa.
D’un ton ferme, le Parquet a demandé à la Cour d’infliger de lourdes peines aux accusés «Il faut que des leçons soient tirées de ces agissements, Messieurs les présidents et conseillers de la Cour. Sanctionnez-les sévèrement. Cela va servir de leçons pour eux et pour d’autres personnes», déclare d’une voix claire, le Procureur de la République.
Indigné par ces mots du Ministère public, l’avocat de Makoye Sissoko réplique : « Le ministère public se base sur quel texte pour demander d’infliger de telles sanctions à ma cliente qui contre qui on n’a d’ailleurs pas de preuves ».
L’avocat de l’AZI-SA a réclamé 2 milliards FCFA aux accusés à titre de dommages et intérêts. Quant au contentieux de l’État, il a demandé le remboursement de la somme de 545.269.168 F CFA détourné par Makoye Sissoko en soutenant que L’AZI-SA fait face aujourd’hui à plus de 200 procédures judiciaires.
A l’issue de ces longues heures de débats tendus, la Cour a rejeté les demandes du contentieux de l’État et de l’avocat de l’AZI-SA.
Bamakomatin